mercredi 10 juillet 2013

Augustin Bea (1881-1968)

Un pionnier de l’unité des chrétiens.

Augustin Bea est né le 28 mai 1881, en Allemagne dans le sud du Bade-Wutemberg.

Sa famille étant très pauvre, ce sont les habitants de son village natal qui financent ses études. Après avoir été à l’école paroissiale, il entre au collège où il obtient son diplôme de bachelier.

Ayant songé très tôt au sacerdoce, il s’oriente, en 1900, vers la Compagnie de Jésus mais comme les jésuites ont été chassés d’Allemagne par Bismarck1, Augustin doit se rendre aux Pays-Bas. C’est là qu’après son noviciat, ses études de philosophie et de théologie, il est ordonné prêtre en 1912.

A l’issue de la première guerre mondiale, il enseigne pendant trois années l’Ancien Testament à l’université de Valkenburg2. De 1921 à 1924, il est provincial des jésuites d’Allemagne : trois années durant lesquelles il noue de solides relations avec les juifs.

Par après, il est appelé à Rome pour enseigner la théologie biblique à l’Université pontificale grégorienne3. Nommé recteur de l’Institut biblique de 1930 à 1949, il dirige les recherches en sciences bibliques.

Sa réputation d’exégète devient telle qu’il est appelé à contribuer à la rédaction de l’encyclique "Divino afflante Spiritu" du pape Pie XII4 (en 1943) qui ouvre une nouvelle approche dans l’étude de l’Écriture Sainte.

En 1945, il devient membre de la Congrégation du Saint Office et, de nouveau, le pape Pie XII fait appel à lui pour participer à la rédaction du texte sur la définition dogmatique de l’Assomption de la Vierge Marie, proclamée en 1950.

Dans le même temps, il est associé au projet de réforme liturgique qui trouvera son aboutissement au Concile Vatican II. Devenu ami et conseiller du pape Jean XXIII, il reçoit de ce dernier, en 1959, le titre de cardinal.

En 1960, il est nommé président du nouveau "Secrétariat pour l’unité des chrétiens"créé par Jean XXIII : « je considère la tâche qui m’est confiée, écrit le cardinal Bea, au lendemain de sa nomination, comme la mission essentielle dont le Sauveur me charge maintenant. Je veux la remplir avec le plus complet dévouement… Il faut avant tout manifester à mes frères (séparés) mon amour : dans les rapports, les conversations, la correspondance et les négociations. Les frères séparés doivent reconnaître que j’agis uniquement par amour pour le Christ… L’œuvre devra se faire en esprit intérieur et dans l’esprit de force, donc avec une force surnaturelle. Chacun devra reconnaître qu’il n’y a là aucun esprit de puissance, pas d’intérêt terrestre, pas de pur activisme, pas de routine, mais le véritable esprit du Christ. »

Au même moment, le pape Jean XXIII lui confie la tâche d’inviter au Concile des observateurs des autres confessions chrétiennes (orthodoxes, protestants, anglicans, vieux catholiques)5. Ayant déjà, depuis plusieurs années, noué de solides relations de confiance avec des membres de chaque confession, presque tous les invités répondent positivement6.

Tout au long du Concile, le cardinal Bea est un des principaux acteurs de la Constitution sur la "Révélation" (Dei Verbum). Le Père Congar dira de lui : « Mon espoir est dans la le cardinal Bea ; il y a en lui la force de la parole de l’Écriture. »

C’est grâce à sa compétence et sa courtoisie, mais aussi grâce à son courage7 qu’après un débat très conflictuel, la Constitution sur la Révélation finit par être votée en 1965.

Déjà en 1962, pressentant les difficultés qui l’attendaient à propos de la Constitution sur la Révélation, il écrit : « Plus une âme est proche du Seigneur, plus aussi vaut pour elle l’allusion à la croix. Elle vaut donc aussi pour moi, surtout dans ma tâche particulière qui ne peut se faire sans beaucoup de fatigues, d’échecs et de malentendus. Il faut que je puise mon courage et ma force dans la "transfiguration" ; dans cette transfiguration qui s’opère en moi par la prière

Le cardinal Bea participe aussi très activement à la rédaction de plusieurs Décrets et Déclarations conciliaires ; notamment :

a) à la partie de la Déclaration sur les "Religions non chrétiennes" (Nostra aetate) qui traite entre autres des relations de l’Église avec le judaïsme ; un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, dira-t-il lui-même8.

S’appuyant sur sa connaissance de la Bible, il défend avec vigueur le lien fondamental qui existe entre les juifs et les chrétiens9 : « L’étroite association entre l’Église, le peuple élu du Nouveau Testament, et le peuple élu de l’Ancien Testament, est commune à tous les chrétiens, et ainsi il y a un lien intime entre le mouvement œcuménique et les questions discutées dans cette Déclaration. »

Grâce à lui, jamais l’Église n’a parlé du peuple juif et du judaïsme avec autant d’amour et de respect, reconnaîtront la plupart des Pères conciliaires et beaucoup de juifs eux-mêmes.

b) mais aussi à la rédaction des Décrets : sur "l’œcuménisme" (Unitatis redintegratio), sur les "Églises orientales catholiques" (Orientalium ecclesiarum), sur "l’activité missionnaire de l’Église" (Ad gentes) et à la rédaction de la Déclaration sur les "religions non chrétiennes" (Nostra aetate).

C’est en présentant cette Déclaration à l’Assemblée conciliaire qu’il fait cette belle réflexion qui fera date : « C’est la première fois dans l’histoire de l’Église qu’un Concile expose si solennellement des principes au sujet des religions non chrétiennes… Il s’agit, en effet, de plus d’un milliard d’hommes qui ne connaissent pas encore ou qui ne reconnaissent pas le Christ et son œuvre de rédemption. Or ces hommes peuvent néanmoins être sauvés s’ils obéissent aux dictées de leur conscience. Mais il incombe à l’Église comme un très grave devoir d’entrer en dialogue avec eux. »

Après le Concile, le cardinal Bea est nommé par le pape Paul VI, président du "Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens10" ; lequel est chargé de l’application des orientations œcuméniques prises par le Concile.

Il se consacre alors totalement à cette mission jusqu’à sa mort en 1968, ce qui lui vaudra d’être appelé le "Cardinal de l’unité".

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1 Devenu chancelier de l’empire allemand après la guerre de 1870 contre la France, Bismarck engage une lutte contre les catholiques : le "Kulturkampf" ("combat pour la civilisation").
2 Située dans la partie méridionale des Pays-Bas.
3 Université romaine fondée au XVIème siècle par le pape Grégoire XIII et dirigée par les jésuites.
4 Dont le Père Bea est le confesseur.
5 Le cardinal Bea aurait souhaité que soient également invités des observateurs juifs.
6 Déjà en Bade, son pays natal, il avait établi de nombreux contacts avec les protestants.
7 Car c’est avec beaucoup de fermeté qu’il s’oppose à la première rédaction de la Constitution qu’il estime ne pas répondre aux objectifs que le pape Jean XXIII a fixés pour réaliser l’unité.
8 Déjà avant l’ouverture du Concile, le pape Jean XXIII lui avait demandé de travailler un texte sur le judaïsme.
9 C’est à ce moment là que de mauvaises langues font courir le bruit que la famille Bea est d’origine juive.
10 Créé par Paul VI en 1966.

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